Huis Clos

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30 décembre 2013 par delphineleroy69110

De Jean-Paul Sartre

Compagnie La Onzième

avec Aurélie Chamfroy, Annabelle Faucon, Guillaume Col, Clémentine Wert, Arlo Doukan – Mise en scène Sven Narbonne

Théâtre Espace 44

du 10 au 22 décembre 2013

Un espace blanc, immaculé : sol blanc, cubes blancs. Voilà le décor de ce Huis Clos. Un espace impersonnel, intemporel. Une neutralité froide, aseptisée, glaçante.

Trois personnages, assis sagement le long d’un mur côté cour, attendent. La blancheur du plateau donne des airs de salle d’attente à l’espace. Un quatrième personnage, le Garçon (interprété ici par une femme) vient les chercher chacun à leur tour pour les amener sur scène, en longeant le bord du plateau. Pour les emmener dans leur dernière demeure, l’Enfer.

Le premier venu est Garcin ; viendront ensuite deux femmes ; Inès et Estelle. Tous bien habillés, élégants. Pourquoi sont-ils ici? Pourquoi sont-ils réunis ? C’est ce qu’ils, et par la même occasion ce que nous spectateurs, allons découvrir tout le long de la pièce.

La tension entre les personnages monte progressivement, sournoisement. Elle est renforcée par l’étroitesse et la froideur de l’espace, ainsi que par la proximité entre la salle et la scène. Le jeu des comédiens, intense, tendu, nous tient en éveil et nous happe. Chacun d’eux possède une identité bien définie, des caractéristiques très marquées mais jamais caricaturales. Ces interprétations sont tenues de bout en bout et chaque parole, geste, silence, est juste.

La lumière bleutée du début du spectacle ajoute à l’étrangeté de l’espace. Plus tard, elle éclairera de manière crue les personnages, les mettant à nu et les noyant dans leur solitude, leur douleur. Sur les passages où les protagonistes regardent la vie sur Terre continuer sans eux, la lumière baisse, laissant apparaître en fond de scène derrière un drap blanc les silhouettes d’un homme et d’une femme découpées en ombres chinoises. Tantôt ils se caressent, s’étreignent ; tantôt ils s’empoignent et se rejettent. Ces mouvements répétitifs, de plus en plus frénétiques traduisent selon le metteur en scène la violence des relations que les trois personnages en présence ont eu dans leur vie, notamment dans leur vie amoureuse. Ces moments suspendus, très beaux esthétiquement parlant, ne font que renforcer la dureté des personnages et de la situation.

Huis Clos de Sartre, cette célèbre pièce du répertoire français du XXe siècle, est-elle épuisée après avoir été montée tant de fois ? La réponse est non ! Sven Narbonne et son équipe ont su en faire ressortir toute l’essence dans cette mise en scène épurée, se concentrant sur le travail de ces personnages si monstrueux, et à la fois si humains. La scénographie, les lumières, ne viennent que renforcer et sublimer le jeu des comédiens, rendant même un peu de poésie à cette pièce si dure. Entre tension et explosion (des émotions, des actes…), le ton est toujours juste. Et on ne voit pas le temps passer.

Delphine Leroy

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